III. Début d'une nouvelle existence

L'avion venait d'entrer dans le ciel d'Aden quand Charles enfila douloureusement une chemise blanche dont il ne ferma que la moitié des boutons, laissant visible son torse couvert de bandages. Avec un peu de chance, il ne garderait pas la moitié des cicatrices des blessures qui lui avaient été infligées pendant ses séances de torture. Le médecin personnel de la famille Vezziano était un homme très inventif en matière de supplices. Charles avait été entraîné durant son adolescence à résister à de multiples formes de tortures mais cette fois-ci atteignait le summum, c'était comme si on l'avait brisé de l'intérieur. Il s'attendait donc à en faire des cauchemars pour un bon bout de temps.

"Dites, monsieur Ashworth, est-ce que vous avez une petite-amie?"

L'hôtesse de l'air qui l'avait aidé à panser ses blessures semblait être tombée sous le charme de son corps athlétique et de son aimable politesse.

"Je ne sais pas si je pourrais la qualifier de petite-amie mais il y a bien une jeune femme dont je suis amoureux. Nous nous sommes quittés un peu en froid lors de mon départ alors j'espère qu'elle m'attendra à mon atterrissage sinon tout ce que je viens de subir n'aura plus le moindre sens.
-Toutes ces blessures... C'était pour elle?
-J'ai pensé à elle pendant tout le temps qu'on me les infligeait mais elle s'en fiche peut-être. Il y a des fois où j'ai du mal à savoir à quoi elle pense.
-Qu'allez-vous faire si elle ne vous attend pas et qu'elle est partie voir un autre homme?"

Charles fixa son regard vers le hublot et attacha sa ceinture. L'hôtesse de l'air regagna son poste sans obtenir de réponse. Apparemment, il était inutile d'insister davantage. Malgré son œil au beurre noir, le regard du jeune homme quand il parlait de sa bienaimée se faisait plus doux et plus détendu. L'hôtesse se mit à penser que si celle qu'il aimait l'avait vu à ce moment-là, elle aurait réalisé la futilité de leur dispute.

III. Début d'une nouvelle existence Caelia

Il était près de deux heures de l'après-midi, lorsque Caelia put enfin s'échapper à l'œil vigilant de sa tutrice. Son grand-père avait engagé une vieille dame au double visage pour lui enseigner les bonnes manières -c'est à dire pas grand chose, un supplément typique aux coutumes du pays d'après son grand-père- ainsi que tout ce qu'il lui fallait savoir sur Aden. Exigeante avec la jeune fille, elle se montrait acariâtre la plupart du temps.

*Seigneur, qu'est-ce qu'elle peut m'agacer...Quoique je fasse, je ne la satisfais jamais...*

Avec un profond soupir, la jeune fille s'attabla à une vieille table ronde sur la terrasse et se mit à observer le ciel. L'ombre d'un vieux chêne la protégeait du soleil. Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres. Voici une semaine que Charles l'avait quitté pour rejoindre l'Italie. La séparation n'avait pas été joyeuse...elle avait même été plutôt froide.

*Je me demande ce qu'il pensera lorsqu'il ne me verra pas à l'aéroport...*

Alors qu'on lui avait annoncé la bonne nouvelle ce matin, et qu'enthousiasmé son grand-père lui avait proposé d'aller l'attendre, la jeune fille n'avait qu'haussé les épaules et dédaigné l'offre. Cela ne l'intéressait pas et elle n'avait pas le temps à perdre avec des futilités, du moins c'est ce qu'elle essayait de se convaincre.

*Après tout, il n'avait qu'à pas agir de cette façon...tss *

« Tiens, tiens, tiens...mais qui voilà. »

Caelia sursauta et se trouva nez à nez avec le neveu du roi. «Christopher ». Peu après le départ de Charles, celui-ci avait commencé à lui tourner autour. De dix ans son aîné, il semblait s'être mis en tête de la charmer...voir de l'épouser. Peu importe l'endroit où elle se trouvait, elle tombait systématiquement dessus. Cela lui avait d'abord pesé, puis avait décidé de le laisser faire. Cela lui changeait les idées mais n'acceptait nullement ses propositions et restait sur ses gardes.

«Oh...Christopher, vous m'avez fait peur...j'ai cru un instant...
-...Que j'étais Sainte Apoline ?
En effet, oui... »

Le jeune homme laissa échapper un petit rire et s'installa aux cotés de la jeune femme pour discuter un petit instant car la jeune femme ne tarderait pas à rejoindre le Roi pour le reste de l'après-midi.