IV. Hall d'entrée

Remontant l'allée de la véranda, Alexander poussa la porte principal de Moondust. Autour de lui, les élèves venaient et allaient vers le réfectoire à toute vitesse. Souvent, il se demandait comment il était possible de s'exciter pour un simple repas. Certes, il appréciait la bonne chair mais il l'appréciait d'autant plus lorsque l'on pouvait la déguster. Il n'aimait donc pas prendre ses repas ici.

Mais après plusieurs nuits blanches à faire des recherches pour parfaire son plan, il commençait à ne plus apprécier ces sandwiches préparés par ces "esclaves". Il devait donc se sustenter mais pour l'heure, il devrait attendre car il ne supporterait pas cette masse de filles qui s'agrouperaient autour de lui, tels des abeilles autour de leur miel, dès qu'il entrerait dans la salle.

Il partit donc s'asseoir dans un fauteuil, placé près d'une chaise et attendit patiemment. En règle général, cela ne l'aurait pas dérangé mais depuis un petit moment, il ne supportait plus cela. Cela le fatiguait, l'ennuyait.
Comment une femme pouvait s'abaisser pour obtenir ce qu'elle désirait ? Comment pouvait-elle tout accepter par amour ? Beaucoup de questions se mêlaient dans sa tête depuis un petit moment.
Son corps de femme apparaissait peu à peu, il réagissait. Comme si, il n'acceptait plus de vivre dans l'ombre. Seulement, pour qu'il soit libre, il devrait d'abord réaliser ce qu'il se préparait à faire.

*Oui, c'est seulement après ça que je pourrais disparaître et enfin vivre…*

[<~ Chambre d'Aiden]

Ayato décida de partir à la rencontre d'Ella. Il ignorait où elle se trouvait mais il savait qu'il y avait un endroit où il finirait forcément par la croiser : la Salle du Conseil des Elèves. Mais d'abord, il avait un courrier à envoyer, il devait donc se rendre dans le Hall. En chemin, il vit des étudiants traîner dans les couloirs, d'autres se jeter des sorts. Le désordre commençait à s'installer dans les murs de Moondust. C'est là qu'il réalisa l'équilibre fragile que parvenait à faire maintenir un Président du Conseil. Lui-même n'avait jamais occupé ce poste bien qu'on le lui ai déjà proposé lorsqu'il était élève ici. Mais à l'époque, il n'était pas encore capable de porter telles responsabilités.

*Dire que j'ai un tel job maintenant... Je me demande si tout cela rime encore.*

Au tournant d'un couloir, il remarqua un élève collé au plafond à l'aide d'un sort. A en voir la couleur de sa cravate, c'était un élève de première année. Ayato agita sa main en signe de salut.

"C'est agréable de voir le monde à partir du sommet, n'est-ce pas?
-Pas du touuut~~ Je veux descendre...
-Mouais, l'ambition requiert de ne pas avoir le vertige. Tu es recalé, petit.
-Mais qu'est-ce que vous racontez, monsieur? Aidez-moi."

Ayato se mit à rire puis continua son chemin. L'élève n'avait pas dit le mot magique alors respirer l'air en hauteur encore un peu ne lui ferait pas de mal. Cet homme pouvait parfois se comporter en vrai sadique. Dans le Hall, entre tous les élèves qui affluaient, il remarqua un élève installé dans un fauteuil. Il semblait attendre quelque chose ou quelqu'un. Ayato s'approcha de la réception et griffonna quelques phrases sur une feuille qu'il emprunta et scella dans une enveloppe qu'il emprunta également. Le tampon qu'il portait toujours sur lui servait de timbre. Les agents du Ministère pouvaient faire circuler leur courrier professionnel sans la moindre taxe.

*J'espère qu'il ouvrira son courrier pour une fois, ce vieux crouton.*

Puis il transmit la lettre à la réceptionniste et se retourna vers l'élève qui attendait toujours. Ayato avait l'impression de le connaître, ou peut-être un de ses parents. Sa façon de dévisager cet élève était impolie mais Ayato n'était pas du genre à se soucier des conventions. Après tout, il était là pour observer.

Confortablement installé dans sa chaise, Alexander put se féliciter comme toujours de sa bonne intuition. Placé ainsi, il avait une vue globale de ce qui se passait dans le hall et c'est comme cela qu'il put remarquer plusieurs choses intéressantes.

La première fut la sortie de la vice-présidente. Sa démarche était raide et rapide. Elle lui avait parue contrariée.
Quelle était cette raison ?
Le plateau qu'elle tenait en main prouvait que son frère était encore alité. Une bonne chose pour ses affaires…L'aube Noire allait continuer à semer la zizanie. On voyait déjà des traces laissées de leur passage. Quelle tristesse pour une si belle organisation mise en place. Enlever le leader et vous n'auvez plus rien. En un sens, cela le décevait. Il aurait cru que la jeune fille aurait eu la main pour diriger toute cette armada d'élève mais apparemment, il s'était trompé.

Peu de temps après, il remarqua la sortie plus que bruyante de Marina Valmont, elle-même officiant pour le Conseil. Il ne lui fallut que deux secondes pour trouver le rapport entre la démarche d'Ella et celle de Marina. Apparemment, il y avait eu dispute. Il ne devait pas être difficile à trouver la cause mais cela ne l'intéressait pas, de même que la sortie de Merion D'Elia qui marchait à la suite de la secrétaire. Il était égal à lui-même.
Etrange.

Mais le plus étrange fut cet homme qui l'observait sans vergogne depuis quelques instants.
Apparemment, sa personne devait l'intéresser mais si lui ne savait pas comment il s'appelait, Alexander put mettre un nom directement un nom sur ce visage.

Il s'agissait d'Ayato Mura. Récemment arrivé du Ministère pour une raison quelconque.
Le jeune homme avait toujours su qu'on les tenait constamment à l'œil mais cela ne tombait pas réellement au moment opportun.

*Enfin, ce n'est qu'une broutille. Concentrons-nous sur la suite. *

Mentalement, il dressa une liste de choses à régler le jour même tout en observant à son tour Ayato.

Constatant que l'élève l'avait remarqué en train de le fixer du regard, Ayato lui adressa un signe de main en guise de salut, par simple politesse. Accoudé au comptoir de la réception, le magicien se mit à observer autour de lui. Le flux d'élève se faisait plus mince, les cours n'allaient pas tarder à commencer et le silence règnerait dans les couloirs de l'école.

*Je devrais peut-être y aller moi aussi.*

Bien qu'il avait l'impression d'être en vacances en revenant dans ce lieu au sein duquel il gardait d'inoubliables souvenirs, il ne devait pas oublier qu'il était ici en mission pour le Ministère en dépit du fait que son supérieur et lui étaient en grand désaccord. La sonnerie de son téléphone portable le tira de sa réflexion. Sortant son appareil de la poche de sa veste, il put voir le nom de son interlocuteur. Affichant un sourire sournois, il décrocha d'une voix mielleuse.

"Que me vaut le plaisir d'entendre ta si belle voix de bon matin, Béatrice?
-Ayato, quand as-tu l'intention de revenir? Tu sais que tu as du travail plus important que celui que tu as au département de l'Éducation.
-Hmm... Je vais devoir rester un petit peu plus longtemps.
-Qu'est-ce que tu entends par un petit peu plus longtemps?! [Elle l'insulte en allemand]
-Moi aussi je t'adore, ma chérie.
-Va au diable!
-D'accord."

Ayato savait Béatrice, sa confidente si l'on peut dire, avec un caractère qui la faisait démarrer au quart de tour. Tout comme lui, elle était employée du Ministère mais travaillait dans une section bien différente. Et il se plaisait toujours à la mettre en colère, elle était si prévisible que ça en était à la limite de la loufoquerie.

"Mon supérieur est un idiot.
-Le mien aussi.
-Duquel parles-tu?
-De toi, bien entendu!
-Oh. J'ai du travail, il faut que je te laisse.
-N'oublie pas que je garde ton secret donc tu pourrais au moins faire l'effort de faire ton travail et..."

Mais il raccrocha avant qu'elle n'eut l'occasion de terminer sa phrase. Béatrice avait toujours tendance à le sermonner. Ils avaient tous les deux le même âge mais la jeune femme savait faire preuve de bien plus de maturité et de sérieux que lui.

*J'ai besoin de temps, Béatrice.*

Néanmoins, Ayato n'oubliait pas son rôle. Il savait que son travail au département de l'Éducation n'était pas le plus important desquels il s'était investi. Pour accéder à l'étage, il dut passer devant cet élève dont il vint de réaliser l'apparenté à la famille De Rosemonde. Il s'arrêta deux mètres après lui et tourna la tête vers le jeune homme en continuant de lui tourner le dos.

"Vous avez une odeur de fleur, monsieur De Rosemonde. Quel arôme étrange."

Puis il partit en direction des escaliers, un rictus au coin des lèvres, adressant un dernier regard mystérieux à cet élève qu'il reverrai très certainement bientôt, il en était convaincu.