V. Salle du Conseil des Elèves

Un biscuit de Mérion à la bouche, Marina s'agita sur son fauteuil comme une enfant capricieuse.

"Si Aiden ne se réveille pas avec la méthode douce, je vais employer la méthode dure moi!"

Le visage sérieux, les sourcils froncés et l'oeil déterminé, la jeune fille mâchait son gâteau en se disant que même Mérion était bien meilleur qu'elle en cuisine. Si elle venait à se marier un jour, ce serait un homme qui sait cuisiner qu'il lui faudrait, c'était indéniable. Elle était la plus mauvaise cuisinière des élèves du Conseil, même Aiden était également meilleure qu'elle mais elle le considérait hors-compétition. Naturellement doué pour la confection de potions qui demandait une précision exceptionnelle, il était tout naturel qu'il sache cuisiner mais ce dernier n'aimait pas beaucoup le faire, préférant les potions aux petits plats.

"Oui, il arrive quelques fois qu'Ella soit dans cet état mais moi, je la préfère dans son état normal, quand elle est douce et gentille. Quant à Aiden, il fait vraiment peur quand on lui parle de ses parents. Il les déteste plus que tout. J'ai voulu lui poser une question à propos d'eux un jour et..."

Marina se souvint alors du regard glacial d'Aiden à ce moment-là. Il était même parvenu à glacer le sang chaud d'une magicienne de feu comme elle.

"Surtout, ne lui pose jamais de question à propos d'eux. C'est tabou."

Buvant un peu de thé, elle se mit à chantonner les lèvres fermées une comptine autrichienne.

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Assis aux pieds de Marina, Mérion dégustait avec délice son thé. Nullement intéressé par les fauteuils bien que très confortable, le jeune homme préférait de loin s'asseoir à même le sol. C'était une habitude qu'il avait chez lui et qu'il avait gardé en arrivant ici.

"Si Ella ne réussit pas, je doute que t'y arrive Marina…"

Recevant une petite tape sur le sommet de son crâne, le jeune homme eut un petit rire avant de réfléchir à la suite des évènements. Si Aiden ne…Mentalement, il se gifla. Il n'allait pas commencer lui non plus à être défaitiste. A la place, il élabora un planning pour le reste des choses à préparer. Le bal était dans moins d'une semaine et il y avait encore énormément de choses à faire. Lorsqu'il pensa à une chose qu'il devait demander à son amie.

"Au fait Marina, as-tu déjà décidé de la couleur qu'aurait ta robe de bal ?"

La tête penchée vers l'arrière, Mérion regardait son amie avec ce regard si habituel. Emprunt d'innocence et de naïveté. Lorsqu'ils abordaient des sujets autre que le Conseil ou les cours, il redevenait le Choupinet adorable.

"C'est pour que je puisse choisir la fleur pour qu'elle s'accorde avec. Je ne voudrai pas commettre un impair pour cette soirée si importante."

Il avait été décidé que les membres du Conseil aillent ensemble et se prennent pour partenaire cette année. L'année précédente, Mérion avait observé de loin tout en passant d'une main à l'autre. Les filles avaient craqué devant son air choupitrognon et l'avait épuisé.

Avec tous ces évènements, Marina en avait complètement oublié le Bal de Noël. Elle avait commencé à confectionner sa robe mais n'avait pas encore eu le temps de la terminer, il restait de toute façon encore une semaine, elle aurait terminé d'ici là. Du moins, elle l'espérait.

"J'ai choisi un tissu de couleur prune, cette couleur se mariera bien avec mes cheveux roses."

Maintenant que Mérion, qui serait son cavalier, lui avait rappelé l'approche de la date du bal, elle ne pouvait s'empêcher de penser à quel point elle s'amuserait. Alors qu'elle but une nouvelle gorgée de thé, la porte de la Salle du Conseil des Elèves s'ouvrit. La jeune fille grimaça lorsqu'elle vit qu'il n'y avait qu'Ayato qui venait d'entrer. Néanmoins, il avait l'air plus fatigué que lorsqu'elle l'avait vu plus tôt.

"Alors? Est-ce que vous avez réussi à guérir Aiden?"

Sous son apparence calme, Marina espérait de tout son cœur qu'Ayato répondrait à l'affirmative avec son sourire tordu habituel.

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S'appuyant contre un mur et croisant les bras, Ayato remarqua que Marina et Mérion étaient paisiblement en train de prendre le thé. Décidément, cette année les membres du Conseil des Elèves formaient un groupe intéressant.

"C'est à Aiden qu'il faut poser la question car j'ignore moi-même la réponse."

Repensant à ce que Béatrice venait de lui dire au téléphone, Ayato se mit à rire tout seul silencieusement. Son supérieur était vraiment idiot de penser qu'il avait déjà remporté la victoire. Le magicien l'avait pourtant mis en garde mais il semblait ne pas l'avoir écouté, lui qui n'était qu'un simple subordonné. Au Ministère, les gens arrogants et ambitieux oubliaient qui était Ayato, qu'il faisait partie de la prestigieuse famille Mura du Japon. Il était un homme plein de ressources qui ne dirait certainement pas son dernier mot avant qu'il n'ait réglé personnellement cette affaire. Il estimait que le préjudice qui lui avait été porté méritait une peine très lourde. Pourtant, ce n'était pas lui qui avait été atteint par le sort.

"A partir de maintenant, vous devriez vous méfier du Ministère. Vous vous retrouverez sans travail si vous acceptez de suivre leurs directives. Sachant l'état d'Aiden, ils se déclarent déjà maîtres de l'école dans mon département. Seulement, si le Président est remis sur pieds, ce sera beaucoup plus compliqué pour eux. Je doute que votre ami les laisse faire sans agir."

Ayato avait hâte d'assister au rétablissement d'Aiden, son plan pour l'avenir de Moondust pourrait enfin commencer. Il aimait se qualifier d'allié de la jeunesse magicienne et avait justement choisi le département de l'Éducation pour assurer la réussite des générations futures.

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[<= Chambre d'Aiden]

Perturbée par ce flot continu de larmes, Ella dévalait les escaliers, courrait dans les couloirs et n'avait jamais atteint la Salle du Conseil en si peu de temps. Elle qui gardait son sang-froid en toute circonstance, ne comprenait pas pourquoi ceci continuait. Elle s'était pourtant éloignée de son jumeau.

En ouvrant la porte brusquement, la jeune fille remarqua tout de suite son amie qui discutait avec Mérion et Ayato.

"Marinaaaa, j'ai besoin d'aide."

C'était la première fois qu'elle demandait ouvertement de l'aide à son amie. Jusqu'ici, elle avait toujours voulu ne pas se reposer sur les autres, ne pas les ennuyer. Pourtant, ici, elle savait qu'elle n'y arriverait pas toute seule.
Les vannes avaient décidée de se bloquer et rester comme ça allait poser des problèmes.

"Ca ne veut pas s'arrêter de couler ! Bon sang, il se passe quoi encore ?"

Perdue, elle restait sur le pas de la porte et essuya ses larmes du revers de sa main. Ses larmes avaient déjà inondé le haut de son uniforme.

La jeune fille remarqua le regard un peu ennuyé d'Ayato et se dirigea dans sa direction avant de se faire arrêter par une Marina interloquée.

"Je peux savoir ce que ça signifie ? Vous ne pleurez plus alors que moi, ça n'arrête pas…"

A l'entrée d'Ella, Marina, frappée par la surprise que lui provoqua la requête de son amie, recracha son thé dans la tasse avant de la poser sur la table basse afin de se lever. Alors que la Vice-Présidente allait s'en prendre à Ayato, la magicienne aux cheveux roses s'interposa rapidement en tirant Ella vers elle sans la moindre difficulté.

"Ella, t'auras l'air misérable si tu te mets en colère alors tu es en train de pleurer."

La prenant dans ses bras, Marina reporta son attention vers Ayato qui étirait un sourire amusé.

"Lui? Pleurer? J'avoue avoir un peu de mal à l'imaginer."

Se rappelant qu'Ayato était empathe, elle se dit que c'était finalement possible si...

"T'as été contaminé par une émotion?! Hahahaha!"

Le pointant impoliment du doigt en riant de lui aux éclats, elle se moqua glorieusement d'Ayato. Si elle trouvait l'occasion de se moquer de lui, il était évident qu'elle devait en profitait car cette chance ne se présenterait pas tous les jours. Marina se mit à rire ainsi pendant quelques minutes sans pouvoir s'arrêter. Au bout d'un moment, elle reprit son souffle en essuyant ses larmes de joie du bout de son index dénonciateur.

"Pfiou, j'ai bien ri."

Parfois, Marina pouvait se montrer vraiment immature sans la moindre once de remords.

Ayato ne s'était certainement pas attendu au rire moqueur de Marina qui s'en fit probablement mal aux côtes vu la façon dont elle se tenait le côté après avoir terminé. Néanmoins, ce comportement l'avait quelque peu décontenancé mais il ne s'en était pas du tout vexé. Il trouvait que la jeune fille n'était pas en tort de rire de lui. Il eut donc la politesse d'attendre qu'elle ait terminé avant de répondre à Ella.

"Le fait que tu pleures n'a aucun rapport ni avec moi, ni avec Aiden. Il n'y a que toi et toi seule qui pleure. A part peut-être un peu aussi Marina d'avoir autant ri."

Puisque c'était dans ses cordes, Ayato se servit de son pouvoir d'empathie pour apaiser Ella. Rares étaient les empathes qui pouvait non seulement recevoir des émotions mais aussi en convier. Dans ce cas précis, il apporta un peu de joie à la jeune fille, se servant de Marina comme exemple. La salle se trouva alors baignée d'un sentiment paisible donnant aux gens envie de sourire naturellement.

Ella, toujours dans les bras de son amie, réfléchissait à ce que venait de dire Ayato et cela était faux puisqu'elle ne pleurait plus lorsqu'il était encore là. Son visage tourné vers la fenêtre l'empêchait de savoir si oui ou non elle avait continué.

"Faux. Lorsque vous étiez encore là, vous n'avez pas pu voir mon visage. J'étais, certes, abattue mais je ne pleurais plus. Alors avouez simplement que vous ne savez pas."

Et bien qu'il usait de ses compétences pour les faire ressentir un bien être, cela n'arrêtait en rien ses larmes même si intérieurement, elle se sentait plus sereine et qu'elle avait plus chaud.
Mine de rien, son amie était une véritable bouillotte et pour une fois, elle en appréciait les sensations.

"Tiens…on n'a plus d'invité ?"

Son regard se promenait sur la salle qui se trouvait anormalement vide. Puis, remarqua la théière de thé posé sur une table basse.
Un léger sourire apparut sur ses lèvres. Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient pas été tous ensemble pour déguster un thé et souffler.

L'uniforme de son amie commençait à se tremper avant de se sécher naturellement. Malheureusement, celui-ci commençait à être froissé. Mal à l'aise, elle voulut s'éloigner de son amie mais remarquant son intention, elle ne l'en serra que plus.

"Désolée, Marina…"

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[~~> Chambre d'Aiden]

Dans les couloirs, Aiden remarqua des élèves qui traînaient pendant les heures de cours. Des élèves qui séchaient parfois un cours, ce n'était pas vraiment rare. De toute façon, c'était à eux de se gérer en faisant en sorte qu'ils aient leur diplôme. Au tournant d'un couloir, le jeune homme qui courrait fut bousculé par deux filles qui s'enfuyaient en séchant les cours également. En se relevant, il se fondit en excuse quand les demoiselles se mirent alors à s'écrier.

"Vous êtes de nouveau sur pied, Président?!
-C'est formidable!
-Hein? J'étais malade?
-Oui, on ne vous a pas vu depuis suuuper longtemps.
-Ouais, genre deux semaines au moins."

Aiden réalisa alors que sa montre n'était pas déréglée et qu'il avait bel et bien été absent pendant deux semaines. Sautillant, elles attrapèrent chacune un de ses bras.

"Dîtes, Président, vous n'avez pas de cavalière, n'est-ce pas?
-Vous ne voudriez pas venir au Bal de Noël avec l'une de nous deux?
-J'ai déjà une cavalière.
-Oh mais c'est moins chouette quand on y va avec une frère ou une sœur.
-Pourquoi?
-Parce-qu'on peut pas l'embrasser à la fin de la soirée, hihihi!
-Oh..."

Mais Aiden n'avait pas l'intention de céder, quitte à faire de la peine à ces deux jeunes filles. Il irait à ce bal avec Ella, et personne d'autre. Puis des mots qu'il avait prononcé lui revinrent en mémoire.

"Je vais changer...?
-Ah vraiment? Alors avec qui allez-vous?"

Il avait pensé tout haut et le voilà à nouveau dans le pétrin. Libérant poliment ses bras, il s'excusa et refusa leur invitation en remettant le pain grillé entre ses dents et à courir dans les couloirs la chemise encore à moitié ouverte, la cravate non nouée et sa veste d'uniforme sous le bras. En arrivant à la Salle du Conseil, il entra subitement en ouvrant violemment la porte, essoufflé de sa course. A son apparition, tout le monde se mit à le regarder d'un air effaré , y comprit l'homme plus âgé qu'il reconnut comme étant un employé du Ministère. Retirant le pain de sa bouche, il décida de rompre le silence d'un air gêné.

"Désolé, on dirait que je suis très en retard."

La première personne à réagir fut Marina, qui tenait Ella dans ses bras pour une raison qu'il ignorait. Elle avait attrapé son ours en peluche qui était à porté de main et lui avait balancé dessus en râlant contre lui qu'il était effectivement plus qu'en retard, comme si de rien n'était. C'était Marina tout craché. Mais lorsqu'il remarqua qu'Ella était dans les bras de Marina parce-qu'elle pleurait, Aiden afficha une expression catastrophée.

"Je suis vraiment navré. Je ne me souviens pas de grand chose mais je sais que vous avez dû faire mon travail pendant tout ce temps et... je vous en remercie."

Mais Aiden se trompait, ce qui les gênait n'était certainement pas le fait qu'ils avaient dû accomplir ses tâches en tant que Président. Il s'agissait plutôt de sa soudaine apparition et du fait qu'il faisait comme si de rien n'était. Il n'y était pour rien, il ne gardait presque pas le moindre souvenir de ces deux dernières semaines mais quelques bribes lui reviendraient au fur et à mesure. Pourtant, il sentait que quelque chose en lui avait déjà changé.Il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus mais en le réalisant, il se mit à sourire tout seul, sachant instinctivement que ce changement était une bonne chose.

Prenant conscience que son frère se trouvait sur le pas de la porte et ce, en pleine forme, les jambes d'Ella se mirent à flageoler. Heureusement qu'elle se tenait à son amie sans quoi, elle se serait littéralement retrouvée à terre.

*Oh mon dieu…merci. Merci*

Mais un point était sûr, même si elle était heureuse de voir son frère sur pied, son cœur n'était pas satisfait en tout point. Malheureusement son jumeau semblait avoir un trou de mémoire concernant sa maladie. Ce qui veut dire que tout ce qui s'était passé entre eux deux, même si c'était infime, avait complètement disparu.

Alors qu'elle pensait qu'elle devait lui souhaiter un bon retour parmi eux, le téléphone se mit à sonner. Rapidement, en deux pas, elle décrocha et leur tourna le dos.

"Ella Hamilton, bonjour."

C'était un appel interne. La réceptionniste lui faisait part de l'arrivée d'un fournisseur. Avec étonnement, la jeune fille jeta un œil à sa montre et s'excusa de son absence. Elle lui confirmait de son imminente arrivée.
Bien que sa voix était claire et ferme, ses larmes continuaient quant à elles de couler. Apparemment, rien n'était résolu. Elle demanda à la réceptionniste de bien vouloir aiguiller le fournisseur vers le "Salon étoilé".

Un problème s'annonçait à elle maintenant. Elle ne pouvait décemment pas y aller seule ou alors, elle devrait envoyer quelqu'un d'autre mais n'avait pas envie de rester ici.
Sans un mot, elle attrapa Marina par la main et sortit de la salle sans un regard pour les autres.

Ce n'est qu'une fois sortie, qu'elle s'excusa de son comportement auprès de son amie.

"Tu veux bien m'aider ? "

Inquiète, Ella se mit à se mordiller la lèvre avant de voir un sourire apparaître sur le visage de Marina.

[=> Salon étoilé]

Perplexe après la sortie des deux jeunes filles, Aiden resta un moment à réfléchir à plusieurs choses à la fois avant de se décider de rejoindre Mérion autour de la table basse. Plus loin, il remarqua qu'Ayato l'observait avec insistance. Il lui lança alors un regard interrogateur et le magicien lui répondit par un sourire énigmatique. Se penchant vers Mérion, le Président décida d'entamer une conversation privée avec son secrétaire.

"Pourquoi cet homme du Ministère est-il ici? Et pourquoi me fixe-t-il de cette façon?"

En prenant un biscuit, Aiden ne put s'empêcher de penser à Ella en voyant la marque de naissance sur son pouce. Pourquoi pleurait-elle? Était-il la cause de ses larmes? A cette supposition, il soupira en se traitant d'idiot. Soudainement, il se mit à fixer Mérion du regard. Il repensait à ce que les jeunes filles avaient dit dans le couloir à propos du fait que c'était dommage d'y aller avec un frère ou une soeur parce-qu'on ne pouvait pas l'embrasser à la fin de la soirée. Il désirait en parler à son ami mais c'était difficile.

*Ah? Pas tant que cela en fait...*

Il fut surpris de cette constatation, jamais il n'aurait songé en discuter avec qui que ce soit auparavant.

"Mérion, est-ce que tu t'y connais en déclaration d'amour?"

La question fut si soudaine et si inattendue venant de la part d'Aiden que le secrétaire ne put s'empêcher de le regarder d'un œil un peu surpris. Avant, il ne parlait pour ainsi dire jamais de sujets si personnel. Une chose était sûre, il avait dû arriver quelque chose à Aiden durant ces deux dernières semaines pour qu'il change à ce point.

Alors qu'Ella et Marina sortait de la pièce, Mérion trouvait que la Vice-Présidente avait une façon bien à elle de montrer la joie qu'elle ressentait pour la guérison de son frère. Mais après tout ce n'était pas son problème. C'était à eux d'avoir une explication.

Malheureusement, ils leur restaient un problème sur les bras. Aiden. Si celui-ci ne se souvenait de rien, comment allait-il prendre le fait que sa maladie provenait justement de ce Mura. Comment prendrait-il le fait que sa sœur ait passé des jours, nuits à son chevet ainsi qu'à la bibliothèque pour le sauver.

Plonger dans ses réflexions, il ne remarqua pas tout de suite l'arrivée d'Aiden à ses côtés. Ce ne fut qu'une fois qu'il ouvrit la bouche et ce, après quelques secondes d'inattention, qu'il l'écouta. Ironie du sort, il n'avait pas du attendre longtemps pour expliquer la présence du Ministère à Moondust.

C'est donc en soupirant qu'il fit signe au jeune homme de s'asseoir à même la table basse. Le plateau à terre, il y avait assez de place pour qu'il s'y installe. Cela lui permettait ainsi de ne pas trop devoir élever la voix.

"Bon comment t'expliquer ça sans que tu t'énerves…bien que, c'est ce qu'il risque d'arriver.
…
Comme tu peux te rendre compte, cela fait un peu plus de deux semaines que tu es tombé malade. Je ne sais pas si tu t'en souviens mais tu t'es évanoui en cours de potion. De là, tu fus transporté dans ta chambre.
Tu étais pâle comme un linge."

Mérion croisa le regard impatient de son président, mais il lui fit signe de patienter.

"Tu comprendras mieux si tu as tout les détails. Donc, je disais que tu t'étais évanoui. Pendant trois jours, tu étais dans le même état comateux. C'est par la suite que tout changea.
Tu as eu de fortes poussées de fièvre, tu ne mangeais plus, ni buvais. Tu dormais constamment. Enfin, dormir est un grand mot. D'après Ella, tu ne faisais que des cauchemars. Et tu t'es mis à délirer. Ce que tu disais n'était en rien compréhensible. Sauf pour toi et Ella apparemment puisqu'elle a réussi à te sauver…avec cet homme."

Dégoûté, le secrétaire observait Ayato qui prenait plaisir à les regarder. Détournant son regard, il reprit la parole.

"Ce qu'on sait, c'est que tu étais au courrant que tu t'affaiblissais de jour en jour car nous avons retrouvé des notes t'appartenant, et un peu partout.
Et c'est là que nous arrivons à la visite de…du Ministère aujourd'hui.
…
D'après ce que Marina et moi supposons, c'est qu'il n'est pas innocent à ton état. On le soupçonne d'en être l'auteur. Mais ça, je ne peux pas te l'affirmer à 100% car lorsqu'Ella et lui ont commencé à discuter de ta maladie, elle nous a coupé du monde pour que Marina et moi n'entendions rien…mais ça, je suppose c'était pour que les élèves fautifs n'entendent rien…Ensuite, un fait qui ne change pas. Le Ministère se voit déjà le maître de Moondust et ça, par ta maladie. Ce qui annonce donc des ennuis par la suite."

Le jeune homme prit sa tasse de thé et la porta à ses lèvres. Sa gorge soulagée, il continua.

"Et si, il te regarde comme cela, j'imagine que c'est parce qu'il n'avait pas la certitude que tu sois guéri lorsqu'il est revenu de ta chambre il y'a environ une heure.
Une chose est certaine…Méfies-toi de lui."

Ayant fini sa tirade, Mérion observa son ami et put remarquer la blancheur qui était apparue sur ses joues. De toute évidence, il ne devait pas s'attendre à ça.

Cependant, il dut vite s'en remettre car il se mit à lui poser une question d'ordre personnel. Etonné, il resta sans voix. C'était bien la première fois qu'Aiden lui posait ce genre de question. Et en y réfléchissant bien, Mérion devait admettre qu'il n'avait jamais vu le président en compagnie d'une fille.

"Eh bien en toute sincérité, je vais t'avouer que c'est plutôt moi qui en reçois mais je peux t'aider bien sûr. Ca me ferait très plaisir et ça ne doit pas être bien compliqué…"

Il glissa son menton dans sa main et le regarda gentiment, les yeux rêveurs.

"Tu as trouvé quelqu'un à qui déclarer ton amour, Aiden ?"

Au fur et à musure du récit de Mérion, Aiden analysait chaque information et s'en voulait d'être arrivé ici aussi innocemment alors que ses camarades avaient dû faire face à la situation sans lui à leurs côtés mais plutôt avec lui comme fardeau. Cependant, il ne s'affola pas. Il était désormais guéri et pouvait reprendre son travail. De plus, il ne pouvait pas accuser Ayato en raison de la présomption d'innocence, d'autant plus qu'il était un employé du Ministère et issu d'une grande famille de magiciens de surcroit.

"Je vois... Je me souviens de toutes ces notes que j'ai prise. J'ai essayé d'enrayer moi-même le problème mais j'ai été très vite confronté à la complexité de ce sort. J'en discuterai plus tard avec cet homme en restant tout de même vigilant."

Quant à la question personnelle qu'il avait posé à Mérion, et celle que ce dernier lui posa également, Aiden sentit le rouge lui monter aux joues.

"En me réveillant, j'ai pris ma décision. Je ne sais pas pourquoi elle est si soudaine mais il vaut mieux que je garde cette résolution en tête si je veux éviter de changer d'avis par lâcheté."

Hésitant, il termina de boutonner sa chemise en promenant son regard de façon hasardeuse. C'était de sa sœur dont il était amoureux, sa jumelle. L'inseste était très mal vu par la société, avouer cet amour était un véritable péché.

"Et bien... Oui mais je ne sais pas comment m'y prendre. Disons que la situation est assez particulière. Si je lui confesse mes sentiments, elle en souffrira quelque soit sa réponse et je ne veux pas la faire souffrir. Mais d'un autre côté, je ne veux plus jamais être seul. Enfin, j'ai toujours cru que je l'avais été mais je me trompais..."

Sur cette phrase, le regard d'Aiden se fit un peu surpris. Il avait pourtant toujours cru dur comme fer à sa solitude et il venait de la démentir spontanément. Plaquant sa main sur sa bouche, stupéfait et désorienté, il réalisa à quel point il avait changé. C'était une bonne chose mais cela lui faisait tout de même un peu peur.

Attentif à ce que son ami disait, le jeune homme le regardait avec cette innocence qui le caractérisait si bien. Dans le Conseil, il devait être celui qui aimait les histoires d'amour sous toutes ses formes. Il n'avait pas honte de dire qu'il en lisait ni qu'il regardait des films à vous faire pleurer comme une madeleine.

Il était le petit sensible du groupe, le naïf, le rêveur, l'innocent. Pourtant, la situation que lui décrivait, avec retenue, Aiden, le déroutait un petit peu.
En quoi une situation pouvait être particulière ? Etait-ce parce qu'il n'était jamais sorti avec une fille ? Parce que cette fille n'était pas du même milieu que lui ? Etait-ce parce qu'elle n'était pas une magicienne ou bien tout simplement parce que…

La dernière proposition qui lui venait à l'idée était bien trop impossible et pourtant. En rassemblant toutes les données qu'il avait, tous les actions dont il avait été surpris, cela ne lui paraissait plus si invraisemblable.

"Pourquoi es-tu si certain qu'elle souffrira ? Chaque relation amoureuse a quelque chose de particulier aux yeux des autres. Il y aura toujours des perturbateurs pour vous médire.
Je pense que si tes sentiments sont sincères ainsi que les siens, rien ne pourra vous empêcher de vous aimer. Ne dit-on pas que l'amour est plus fort que tout?
…
Mets toi à penser à elle. Remarque ce que tu ressens. Ces sensations, personne ne pourra te les enlever sauf la mort et encore."

Parlant avec douceur, le jeune garçon se demandait intérieurement quand ce genre de situation lui arriverait.

"Pour ta déclaration, rien ne vaut la sincérité. Dis lui ce que tu ressens. Pourquoi tu te comportais ainsi avec elle et pourquoi tu décides enfin de te dévoiler. Les mots te viendront beaucoup plus facilement que tu ne le penses.
Il te suffit juste de trouver le bon moment. Un moment que vous garderez comme magique au fond de votre cœur."

Mérion s'interrompit et leur servit une tasse de thé. La sensation de chaud que lui procurait la boisson lui était bénéfique.

"De toute façon, mon petit doigt me dit que tu n'as rien à craindre. Le monde change…"

Aiden se leva subitement, abasourdi par les propos de Mérion. Enfin, ce qu'il disait avait un sens mais... il parlait comme s'il savait qui il aimait. Le fixant d'un regard stupéfait, le jeune homme devenu nerveux se mit à nouer sa cravate en fronçant ses sourcils.

"Je verrai bien... Je euh... Je songe à me déclarer pendant la fête mais je persiste à croire que c'est certainement une mauvaise idée."

Une fois la cravate verte impeccablement nouée aurtout de son col, Aiden enfila enfin la veste de son uniforme et arrangea rapidement ses cheveux en y passant une main dedans.

"C'est bien beau de commencer une relation mais mieux vaut ne pas le faire quand on ne peut pas l'assumer ensuite. C'est un peu comme mes parents qui voulaient avoir un enfant et qui se sont retrouvés avec des jumeaux qu'ils ont essayé de tuer."

En prononçant ses mots, le regard d'Aiden se glaça. Il détestait parler de ses parents mais ils restaient néanmoins pour lui un exemple à ne pas suivre et qui le ramenait inexorablement à la réalité. Vivre en tant qu'enfant non désiré ne le blessait pas tant que ça mais plutôt le fait de ne pas avoir été considéré en tant qu'humain pendant plus de la moitié de sa vie qui le mettait en colère. Il estimait avoir le droit de vivre autant que tout autre personne. Si sa famille n'avait pas choisi de le séparer d'Ella, il n'aurait probablement pas été aussi amer envers eux.

"Je ne veux pas reproduire les même erreurs. Seulement, si elle venait à éprouver la même chose que moi, ce qui m'étonnerait fort, et bien... Jamais elle ne pourrait se marier. Je ne pense pas avoir le droit de lui en priver."

Aiden était rongé par le doute et se refusait à commettre une erreur qui ne concernerait pas que lui. Il y avait des mots qui étaient capable de changer toute une vie et il savait que ceux qu'il avait à dire en faisaient partie. Le jeune homme partit ensuite s'installer sur le fauteuil qu'il n'avait pas occupé depuis deux semaines. Il remarqua qu'il avait moins de travail à effectuer que ce qu'il avait estimé, grâce à l'aide précieuse des autres membres du Conseil.

Tout en retenant un sourire en coin, Merion tendit une main vers les biscuits. L'attitude du président l'amusait. Surtout son regard stupéfait et sa nervosité apparente. Apparemment, le jeune homme ne devait pas être loin de la vérité. Ses mots avaient fait mouche.

"Si tu penses que c'est une mauvaise idée, alors ne le fais pas. Mais ne viens pas regretter plus tard de ne t'être jamais déclaré.
La vie est bien trop courte pour éprouver des regrets. Il faut…foncer et croquer la vie à pleine dent."

Merion croqua dans son biscuit et constata qu'il était délicieux. Il s'améliorait de plus en plus et bientôt, il pourrait rivaliser avec sa mère. Cette pensée le fit sourire pour aussi vite disparaître. Les propos d'Aiden étaient tristes, négatifs. Il n'arrivait pas à croire en lui et en l'amour. C'était si triste.

"Laisse moi te dire une chose. Ce qu'on fait tes parents…c'est tes parents. Toi, tu es différent d'eux. C'est justement parce qu'ils ont fait… ça que tu ne reproduiras pas les mêmes erreurs. Tu ne peux pas vivre dans l'ombre de tes parents simplement parce que tu as peur de faire la même chose. Pense à toi."

Mérion fit tomber les miettes qui se trouvaient sur sa chemise par terre avant de se lever.

"Et puis, le mariage, ce n'est pas si important de nos jours. Si elle t'aime vraiment, ce sera secondaire. Et puis, jamais c'est un grand mot…Vous n'avez pas le même nom de famille…en théorie."

Laissant apparaître un sourire mystérieux sur ses lèvres, Mérion se dirigea vers son bureau et se mit à chercher quelque chose. Il voulait le lui donner mais contre toute attente, il ne se trouvait pas dans ses tiroirs. Sans un mot, il sortit alors du Bureau.

[=>Chambre de Mérion]

V. Salle du Conseil des Elèves - Page 2 Aiden10

{Soir du bal de Noël}

La fête allait commencer dans une heure mais Aiden n'était toujours pas prêt. Installé à son bureau, il avait commencé à s'habiller mais sa chemise n'était pas fermée et il ne portait qu'une seule chaussure. Le jeune homme n'avait pas pu demeurer sourd à l'appel du travail entre temps. Il s'y plongeait d'ailleurs intensément depuis qu'il avait été libéré du sort dont il avait été emprisonné durant des jours. Le travail lui permettait de ne pas penser à autre chose, comme ses sentiments incestueux envers sa sœur jumelle entre autres.

"Il apparaît de plus en plus clairement que le Ministère souhaite effectivement se débarrasser de moi, à moins que je ne devienne leur marionnette..."

Cette situation inquiétait Aiden, d'autant plus qu'Ayato qui était pourtant du ministère ne partageait pas du tout la vision de ses supérieurs. Ce dernier soutenait que le Ministre ne souhaitait pas que l'administration de Moondust leur revienne. Mais pouvait-il vraiment lui faire confiance?

*Nous verrons bien après la fête. Je pense qu'Ella ne sera pas contente si je viens à me plonger dans le travail à un tel moment de festivités.*

Aiden baissa ses yeux remplis de doutes vers un écrin renfermant un présent pour sa sœur. Il s'agissait d'une chaîne en or blanc et un pendentif orné d'un diamant.

*Je ne dois pas oublier ma résolution à lui avouer ce que je ressent pour elle, ce soir sans faute.*

Le jeune homme désirait tant être plus courageux.

{<~Chambre de Mérion}

A une demi-heure de l'ouverture du Bal, Mérion était fin prêt. Excité comme un gosse, il dévalait les escaliers qui menaient au grand hall à toute vitesse. Et bien qu'il ne restait que peu de temps, il put constater que tout était silencieux. Pas un chat à l'horizon.

*Bizarre...Serai-je le seul à être déjà prêt ? Hum...A moins que tout le monde attende au Bureau ?
Je ne me rappelle pourtant pas avoir donné rendez-vous là-bas à Marina...Bah...*

Joyeusement, le jeune garçon tourna sur ses talons avant de se diriger vers le bureau du Conseil des élèves. Et lorsqu'il entra, il laissa échapper une exclamation de surprise.

« Mais enfin, c'est quoi cette tenue ?! »

Devant lui se trouvait Aiden à moitié habillé. Celui-ci se trouvait penché sur son bureau à travailler.

« Bon sang, mais qu'est-ce que tu fiches ? »

Voici une semaine que le président agissait étrangement. Certes, Mérion pouvait mettre son attitude sur le compte de son « coma » mais pas complètement. Celui-ci semblait préoccupé. Était-ce parce qu'Ella l'évitait?

Aiden leva les yeux de son bureau à l'exclamation de Mérion. Son ami était prêt à aller faire la fête, ne lui manquait plus que sa cavalière aux cheveux roses. Le jeune homme réalisa alors qu'il n'avait pas terminé de s'habiller.

"Je dois travailler dur si je veux que cette école garde son statut autonome. Qui me dit que j'aurai encore un foyer si je laisse les gros bonnets du Ministère en prendre le contrôle?"

Aiden soupira en posant son stylo et boutonna sa chemise. L'expression qu'il portait alors à son visage lui donnait une allure mature et déterminée. Il semblait avoir un peu perdu de son innocence depuis peu. Peut-être était-ce parce-qu'il devenait adulte?

"Je vais finalement écouter le conseil d'Ayato. Je vais apprendre à toujours viser plus haut et je ferai en sorte que le genre de personnes qui souhaite s'emparer de Moondust par simple question de pouvoir disparaisse de la classe des dirigeants de notre monde. Nous sommes à l'aube d'une attaque maléfique de grande envergure à cause de leur égoïsme et de leur frayeur de perdre tout ce pouvoir qui ne leur est même pas légitime."

Depuis sa guérison, Aiden avait enfin ouvert les yeux sur ce monde qu'il avait toujours regardé avec candeur et crédulité. Il n'était pas amer face à la vérité mais plutôt déçu. Et si quelqu'un s'attaquait aux choses et aux personnes qui lui étaient précieuses, il n'hésiterait pas à sortir les griffes. Après tout, il avait décidé de cesser d'être faible, il avait décidé de changer. Le jeune homme se leva et enfila un veston noir dessus sa chemise blanche.

"Le poste de Président du Conseil des Élèves de Moondust prédispose à un avenir politique prometteur. A la base, je souhaitais enseigner la magie ici-même. Cependant..."

Aiden avait dû revoir ses objectifs. S'il était capable de contribuer davantage à l'avenir du monde magique, il n'hésiterait pas. Il prit sa veste posée sur le dossier de son fauteuil et dissimula l'écrin destiné à sa jumelle dans la poche intérieure avant de se mettre le vêtement sur le dos. A la recherche de sa deuxième chaussure qu'il n'avait pas égaré bien loin, il poursuivit le récit de ses convictions auprès de Mérion.

"Depuis que j'ai été touché par ce sort, je ne cesse de réfléchir à ce que sera demain. Je sais que je devrais profiter de l'instant présent, que je suis bien trop jeune pour me soucier de l'avenir mais... je ne sais pas, c'est encore un peu confus dans mon esprit."

Le jeune homme termina de se chausser quand il retrouva sa seconde chaussure près de la porte. Sur un fauteuil près de la cheminée étaient posées deux bandes de tissu noir. Aiden en prit une dans chaque main et se tourna vers Mérion.

"Nœud papillon ou cravate d'après toi? Je crains de faire trop cérémonieux avec un nœud papillon, mais aussi de paraître strict en mettant une cravate. Mais je pense surtout que... Je pense surtout que..."

L'heure du bal approchait et Aiden avait perdu sa détermination de quelques instants plus tôt.

"... Que je suis nerveux, terriblement nerveux. J'ai décidé de confesser mes sentiments ce soir et je ne sais même pas comment m'y prendre, je n'ai jamais été amoureux auparavant."

Aiden sentait son cœur battre la chamade en raison du stress. Pour essayer de se calmer, il s'installa sur un fauteuil près de la cheminée et se servit une tasse de thé.

Alors qu'Aiden commençait à expliquer pourquoi il n'était toujours pas prêt, Mérion se laissa choir dans le fauteuil le plus proche.
Ce discours ne l'ennuyait nullement mais il savait déjà ce qui allait suivre. En effet, le jeune homme possédait un don particulier. Celui de voir l'avenir grâce à aux rêves.
Bien entendu, il aurait pu éviter de poser la question mais l'avenir n'est-il pas en perpétuel changement ?
Pourtant, depuis qu'Aiden était sorti de son coma, son pouvoir avait évolué, comme si il voulait le mettre en garde contre l'avenir qui se dessinait de plus en plus sombre.

Cependant, entendre son ami discourir sur ce qu'il désirait faire dans un futur proche, laissait un goût amer dans sa bouche. Certes, cela était bien beau de vouloir protéger tout le monde, mais si c'était pour s'oublier et ne vivre que pour les autres, qu'est-ce que cela lui apporterait ?
Ne lui manquerait-il pas quelque chose ?

Et alors qu'il s'interrogeait là-dessus, Mérion eut un flash. Il vit son amie, Marina, fondre en larme dans ses bras lors de la soirée. Celle-ci semblait assez bouleversée et se tourmentait également de se laisser aller devant lui. Puis, il n'y eut plus rien. Perplexe, il entreprit de se repasser ce qu'il venait de voir fugacement mais la voix de son ami l'interrompit.

Interrogateur, il posa son regard sur lui avant de comprendre sa question en voyant les accessoires.

"Je te conseillerai la cravate tout simplement. Bien entendu, tu pourrais la laisser légèrement desserrée mais en Monsieur Parfait, tu ne t'autoriseras jamais cela. Quant au nœud papillon, stressé comme tu es, tu auras l'impression de te faire étrangler…"

Mérion se leva alors du fauteuil et s'approcha de son ami qui se montrait de plus en plus nerveux et posa sa main sur son épaule.

"Ecoute, tu n'as aucune raison d'être nerveux et je vais te dire pourquoi. En te rendant nerveux, tu risques non seulement de mettre mal à l'aise Ella mais en plus commettre des faux pas. Je te connais et je vois comment tu te comportes avec elle. Tu ne lui as même pas adressé la parole depuis ton réveil…Et ne me regarde pas comme ça, oui je viens de prononcer le prénom de ta jumelle. Je vois et comprends beaucoup plus de choses qu'on pourrait le croire…"

Un doux sourire apparut sur le visage du jeune garçon lorsqu'il vit Aiden aller se servir une tasse de thé.

"Et s'il y'a bien une chose sur laquelle je ne peux me tromper, c'est bien sur ce qu'il va se passer. Tu n'as donc aucune crainte à avoir vis-à-vis d'elle. Tu vas donc me faire le plaisir de penser à autre chose qu'à Moondust et te concentrer sur Ella. Juste ce soir. Les problèmes seront toujours là demain…malheureusement pour nous.

A son tour, Mérion se servit une tasse de thé puis grimaça avant de la reposer sur la table.

*Non, décidément, je ne m'y ferai jamais à ce goût…*

"Bien, je pense qu'il serait temps d'y aller…Que la force soit avec nous !"

*Mais surtout avec toi…*

Malicieusement, le jeune garçon se mit à siffloter la marche de l'empereur. Une musique de circonstance.

Quand Mérion prononça le prénom d'Ella, démontrant ainsi qu'il était au courant des sentiments de son ami, Aiden ouvrit grand ses yeux et manqua de s'étouffer avec la gorgée de thé qu'il avait en bouche. Il reposa sa tasse sur la table basse, confus, et entreprit de nouer sa cravate.

"Je n'ai pas l'impression de la gravité de mes actes. Un frère qui aime sa sœur comme une femme... C'est interdit."

S'emmêlant dans son nœud de cravate en raison de son stress, le jeune homme poussa un soupir désespéré.

"Quand mon père disait que j'étais un monstre, il n'avait pas tord. Parmi toutes les personnes de ce monde, il a fallu que mon cœur choisisse la seule que je n'avais pas le droit de choisir. La culpabilité me ronge depuis le jour où j'ai réalisé mes sentiments."

Aiden abandonna le nœud de sa cravate afin de boire une nouvelle gorgée de thé. Sa résolution s'amenuisait peu à peu, dévorée par le doute et la raison. Pourquoi avait-il fallu qu'ils naissent jumeaux?

"Je fais même des rêves où elle apparaît ces derniers temps. Nous sommes dans la maison de mon père en Angleterre et je la vois m'embrasser, les larmes aux yeux. C'est absolument insensé..."

Mais Aiden ne se doutait pas que c'était plus ou moins réellement arrivé, quand il avait été touché par le sort d'Ayato et qu'Ella avait pénétré son esprit pour le sauver d'une mort certaine. Désemparé, il s'installa bien au fond du fauteuil et ferma les yeux. Une tentative pour retrouver son calme et chasser ses doutes.

Et pendant qu'Aiden recommençait à être pris de doute, le jeune garçon ne put se retenir de laisser échapper un petit soupir d'agacement. Pourquoi diable les gens se prenaient-ils la tête lorsque l'amour entrait en jeu ? Certes leur situation était particulière car ils ne pourraient pas s'afficher devant tout le monde mais qu'importaient les sacrifices si ils s'aiment réellement ?

"Ecoute Aiden, si c'est pour être aussi plein de doutes, je te conseille de ne rien faire. Regarde toi ! Tu étais prêt à soulever des montagnes pour te déclarer et maintenant, tu te dégonfles simplement parce que c'est "INTERDIT" ou que soit disant, tu es un "MONSTRE". Si c'est pour faire de la peine à Ella par la suite, autant tout arrêter maintenant. Oui, votre relation sort du commun, mais est-ce la seule ? Oui, votre relation sera délicate et difficile. Mais n'est-ce pas là le prix qu'il faut payer pour un peu de bonheur dans ce monde ?
Personnellement, ce n'est pas tous ces petits détails qui m'arrêteraient. Surtout si j'ai trouvé mon âme sœur…"

Pendant son petit discours, le jeune garçon s'était levé et marchait de long en large, faisant ainsi disparaître cette petite pointe d'agacement qui menaçait de grandir si jamais il entendait encore son ami se plaindre. Pourtant, malgré lui, il pouvait le comprendre. Etre réfléchi était un bon point mais alors, il fallait s'attendre à perdre quelque chose de précieux. Merion estimait que son ami avait droit lui aussi au bonheur. Quitte à le brusquer quelque peu. Ce qu'il allait faire allait certainement lui causer des ennuis mais…aussi se rapprocha t'il d'Aiden et entreprit de lui nouer sa cravate.

"Ecoute, les filles me tueraient si jamais elles apprenaient ce que je suis en train de faire mais…je pense qu'il est nécessaire pour toi de savoir un peu ce qu'il s'est passé pendant ton coma. Peut-être que cela te rassurera …"

Se laissant tomber à terre, Merion porta son regard sur le feu qui s'éteignait doucement dans l'âtre.

"Pendant que tu travaillais comme un forcené cette semaine, Marina et moi avons questionné Ella sur la manière dont elle s'était prise pour…te sauver. Au début, elle refusait systématiquement mais à force d'insistance, elle se mit à tout nous raconter…"

Le jeune garçon s'interrompit un instant, incertain, avant de continuer.

"Pour pouvoir te sauver, il fallait ouvrir un passage dans ton esprit ne serait-ce quelques secondes, te rendant ainsi lucide. Ce que Mura fit. Ella, grâce à sa…votre tâche de naissance, put se connecter à toi et…apparaître dans ce qui te maintenait dans ta folie. Te sauver ne fut apparemment pas facile. Ton père était présent et tu…tu…regardais tristement autour de toi sans parler et tu…bref. D'après Ella, la cause était perdue car tout autour de vous disparaissait. Alors elle tenta le tout pour le tout…T'embrasser..."

Merion se releva, glissa ses mains dans ses poches avant de se poster à la fenêtre. Le ciel était dégagé, sans l'ombre d'un nuage. Ce n'était donc pas cette nuit qu'il neigerait…

"Lorsqu'elle se retrouva à nouveau dans ta chambre, elle ne savait en aucun cas si cela t'avait sauvé. Tu ne bougeais pas. Tu étais pareil qu'avant. Et pourtant, l'amour qu'elle porte pour toi fut si fort qu'il te sauva. Mais quand tu t'es réveillé, tu avais apparemment tout oublié. Pire encore, tu ne remarquas rien de ce qu'il se passait autour de toi…"

Fixant la vitre, le jeune garçon avait put remarquer le sursaut et la crispation de son aîné lors de son récit. Est-ce que cela avait effacé ses doutes ou avait-il au contraire renforcé cette incertitude.

Aiden resta quelques minutes, bouche bée, à imprimer dans sa tête les informations qu'il venait d'écouter. Tout ceci lui paraissait si irréel qu'il se demandait s'il n'avait pas eu une hallucination auditive. Il ouvrit la bouche, puis la referma. Il se servit finalement une tasse de thé et but d'une traite le liquide brûlant. Il manqua de s'étouffer à cause de la douleur. Le jeune homme se leva et se dirigea vers son bureau dont il ouvrit un tiroir pour récupérer une potion qui soignerait sa langue et sa gorge brûlées. Après l'avoir bu, il essuya ses lèvres d'un revers de main.

"Quel idiot ai-je été? Comment n'ai-je pas pu voir la souffrance d'Ella...?"

Aiden avait passé son temps à travailler depuis ce jour et avait évité sa jumelle afin de ne pas voir ses sentiments davantage renforcés ou voir naître une envie irrépressible de tout lui avouer. Il était coupable d'un grave péché mais découvrait qu'elle l'était tout autant. Il ne s'était attendu qu'au rejet, alors il ne savait pas du tout comment agir dans le cas de figure présent. Devait-il écouter son cœur ou sa raison?

"Que je lui avoue mes sentiments ou pas la rendra malheureuse dans les deux cas. Bon sang... Tout ce que je désire, c'est voir son sourire à nouveau."

Aiden jeta sa lampe de bureau au sol d'un grand coup. Il n'était pas du genre à se laisser emporter aussi le fracas de la lampe qui se brisa le surprit et agit sur lui comme un électrochoc.

"Au diable tout ça! Il est grand temps que je vive comme je l'entends, mon existence a suffisamment eu de limites. J'ai toujours fait tout mon possible pour les autres mais ne me suis que trop rarement accordé quoi que ce soit."

Le jeune homme passa une main dans ses cheveux jusque vers l'arrière de sa tête, dévoilant ainsi son regard résolu.

"Je vais faire une exception, juste pour ce soir. Agir sans penser aux conséquences, vivre seulement l'instant présent. Les soucis attendront demain."

Le premier vrai sourire d'Aiden depuis plusieurs semaines se dessina sur ses lèvres.

Nonchalamment, Merion s'éloigna de la fenêtre pour ramasser les morceaux brisés de la lampe. Ce pauvre objet n'avait pas mérité toute cette colère mais c'était son destin et il l'avait accomplit avec brio. Car grâce à son dernier cri, il avait sorti Aiden de sa torpeur. Celui-ci semblait changé…vivant. Le jeune homme espérait que cela soit suffisant pour qu'il puisse redevenir l'Aiden qu'il connaissait. De plus, il admettait intérieurement que l'ambiance au sein du Conseil avait été plus qu'électrique et donc, émotionnellement fatiguante.

"Ah la la…pauvre petite lampe. Ne t'en fais pas, tu auras un enterrement digne de ta…lignée ?"

Les sourcils froncés, le jeune homme observait les morceaux. D'un simple sort, il pourrait la réparer mais le voulait-il ? Chaque objet avait un temps de vie et la sienne était arrivée en fin.

"Hum… J'espère que tu n'en veux pas trop à notre cher Président. Celui-ci était dans une mauvaise passe et tu as contribué, dirait-on à son éveil. Voyons…comment t'en remercier.
Oh ! Je sais ! Tu seras exposé aux yeux de tous comme étant une Héroïne ! "

Et c'est avec un grand sourire que Merion se releva pour aller déposer les reliques de l'horloge avant de voir l'expression incrédule d'Aiden.

"Oh…Excuse-moi. Bon retour parmi les vivants, Aiden !"

Et au même instant, huit heure sonna s'en suivit d'une douce mélodie annonçant l'ouverture du Bal.

"Oh ! C'est déjà l'heure ? Marina va me tuer si je suis en retard pour la réceptionner !"

Il savait que son comportement semblait incongru, lui qui avait été si mature il y a encore quelques minutes mais il ne pouvait faire autrement. C'était son caractère. Le sérieux serait pour plus tard.

"Bon…penses-tu que nous puissions aller rejoindre nos charmantes cavalières maintenant ou as-tu encore un quelconque doute à propos de quelque chose ?"

Vêtu d'un costume trois pièces à longue veste composé de tissu de couleur agent satiné, Ayato avançait de pas rapides dans les couloirs de l'école qu'il connaissait par cœur puisqu'il y avait fait ses études il n'y avait pas si longtemps que ça. Son visage était fermé, la situation dans laquelle il se trouvait était très délicate. Il venait de passer plus d'une heure à réfléchir à toutes les solutions possibles mais il n'était arrivé qu'à la conclusion qu'il souhaitait éviter.

*J'en connais une qui me donnera un sacré coup... si elle a la bonté de me laisser en vie.*

Dans la porte de la salle du Conseil des Élèves, l'employé du Ministère s'arrêta. Il n'était pourtant pas du genre hésitant mais...

"Mon règne se termine ici. Je n'ai pas le choix, je ne peux que leur faire confiance."

Ayato toqua par deux fois avant d'ouvrir la porte et de découvrir les garçons prêts à partir pour le bal. Il voulait afficher son habituel sourire sournois mais la situation ne s'y prêtait vraiment pas, cela aurait même été impoli de sa part. D'un coup d'œil, il remarqua la lampe cassée, avant de ressentir la détermination dans le cœur d'Aiden.

*Comptait-il enfin se déclarer?*

"Bonsoir messieurs, il y a quelque chose d'important dont je dois vous parler. Et je précise que ça ne peut pas attendre."

L'expression sérieuse et formelle du visage du magicien annonçait toute la gravité de ses mots. Il ne voulait pas les priver des festivités, seulement les retenir encore quelques instants. Il prit sa montre de gousset dans la poche intérieure de sa veste. Elle portait l'emblème du Ministère. Il était huit heures deux.

"Mérion, pourrais-tu aller chercher Ella et Marina pendant que je m'entretiens avec Aiden? Marina vient de perdre sa sœur, elle a besoin de savoir pourquoi. Je suis prêt à recevoir tous les coups qu'elle me donnera."

Ayato semblait tourmenté. Était-ce le chagrin? Ou bien était-ce l'inquiétude? Probablement les deux à la fois. Il ne voulait pas faire ce qu'il allait devoir faire mais il n'avait pas d'autre option. Cependant, il restait serein quant aux personnes qu'il avait choisi, il savait que l'avenir ne serait pas sans difficultés mais il n'avait pas besoin d'être médium pour savoir qu'ils s'en sortiraient.