III. Chambre d'Aiden Bromley

Rien n'allait. Elle ne savait que faire et la situation s'aggravait. Si seulement elle avait le moindre indice quant à le sortir de là, elle le ferait mais elle n'avait aucune idée.

"Bon sang, c'est pas possible !"

Furieuse, elle sortit du salon et observait ce père qui proférait des méchancetés à son fils. Comment un être qui leur avait donné naissance pouvait ainsi être aussi méchant. Pourquoi devait-il être aussi obtus.

"Ca suffit Aiden. Arrête de te poser en martyre ! Tu ne vois pas que notre père est un abruti fini ? Pourquoi crois-tu encore tout ce qu'il a pu te dire pendant ton enfance ?"

Un rire dément coupa ses paroles. Le clown s'impatientait de plus en plus et attirait l'attention de son jumeau.

"La Ferme !"

Ella attrapa le visage de son frère entre ses mains et le força à la regarder dans les yeux.

"Ecoute moi, Aiden. Je me doute que ce que ton enfance n'était pas toute rose, ce fut pareil pour moi. Mais je savais que quelque part, tu étais là. C'est parce que je sentais que je n'étais pas seule que je me suis accrochée…"

Soudain, un tremblement de terre se fit ressentir. Tout autour d'elle vacillait. Elle devait faire vite.

"Aiden. Tu n'as jamais été seul…Jamais. Ni avant, ni maintenant. Pense aux gens autour de toi. Pense à Marina, Mérion. Ils s'inquiètent pour toi, ils sont là pour toi et ne te laisseront jamais tomber comme ils l'ont toujours fait jusqu'à présent."

Ella se rapprocha de son frère et le serra contre elle. Une main remontait le long de sa nuque et caressait avec amour ses cheveux.

"Et il y'a moi, Aiden. Je ne te laisserai jamais seul. Je ne vis que pour toi. Je suis ton âme sœur. Celle qui comprend le moindre de tes pensées, désirs. Ouvre moi ton cœur, Aiden.
Rappelle toi. Nous avons partagé des choses avant même de naître. On dit que les jumeaux sont des personnes qui s'aiment d'un amour sincère et qui, ne voulant pas être séparé l'un de l'autre, renaissaient ensemble…pour l'éternité."

Front contre front, la jeune fille regardait avec amour et sincérité son frère.

"N'abandonne pas avant même d'avoir essayé de vivre, Aiden. Crois en moi et je te promets que tu ne seras plus jamais seul !"

Désespérée du manque de réaction, Ella fit quelque chose d'insensé. Elle posa ses lèvres sur les siennes et l'embrassa fougueusement. Mais rien n'y fit. Tout se brouillait. Se laissant tomber à genoux, elle laissa libre cours à son chagrin.

"Tu n'es pas un monstre, Aiden !
Bon sang ! Réagis ! Ne reste pas comme ça ! Je t'aime et je n'ai pas envie de te perdre maintenant ! Aiden…"

Sa voix se faisait de plus en plus faible tout comme tout ce qui était autour d'elle. Seul, le rire du clown lui résonnait clairement aux oreilles.

*J'ai échoué…C'est pas possible…Ca ne peut pas se passer comme ça…*

Tout se finit. Elle n'était plus dans ce royaume obscur. Elle était de retour à la réalité.
Son regard vide se posa sur son frère, toujours endormi. Rien n'avait changé. Les larmes avaient réellement inondé ses joues.

"Désolé…"

Elle ne pouvait dire que ça. Elle n'avait plus de force.

III. Chambre d'Aiden Bromley - Page 2 Avaaya10

Lorsqu'Ella revint à la réalité en raison du manque de force d'Ayato, celui-ci tomba à terre, essoufflé et ruisselant de sueur. Il était allé vraiment aussi loin qu'il avait pu. En se relevant, il vit Ella qui pleurait à chaude larmes et qui s'excusait auprès de son frère. Retirant sa veste parce-qu'il avait trop chaud, le magicien y récupéra un éventail qu'il gardait toujours sur lui afin de s'éventer. Aussi épuisé que s'il avait couru à fond pendant tout ce temps, il reprenait encore son souffle. Ayato avait fait son maximum.

"Ella..."

Il s'approcha alors pour poser sa main sur l'épaule de la jeune fille en signe de soutien mais il stoppa net son geste en cours de route. Un larme venait de couler sur sa joue, il avait été contaminé par une émotion. Il en fut très surpris ce phénomène ne lui était pas arrivé depuis plus de cinq ans.

"Chut, Ella."

Comment cet individu osait-il lui donner un tel ordre en pareille circonstance? Mais Ayato était très sérieux. Son index sur ses lèvres intimant le silence, il restait immobile comme s'il cherchait à entendre un son alors que ce n'était pas le cas.

"Je sais que cette idée peut paraître déplacée mais pourrais-tu essayer de penser à quelque chose de joyeux? Il y a quelque chose que je veux vérifier. Tu dois y penser de tout ton cœur."

En réalité, Ayato souhaitait savoir de qui venait l'émotion qui l'avait contaminé. Était-ce le chagrin d'Ella ou bien la douleur d'Aiden résultée par ce qu'il s'était passé quand sa jumelle avait pénétré son esprit?

Son cœur se serait de plus en plus. Elle avait l'impression d'étouffer. Pourtant, il n'avait jamais fait aussi froid dans la chambre d'Aiden. La chambre suintait d'une tristesse noire. Ses larmes coulaient bien qu'elle désirait les arrêter.

Ella ne pouvait pas abandonner comme ça. Comment allait-elle continuer à vivre maintenant que la seule chose qui la rendait heureuse était partie. Elle le condamnait peut-être trop vite mais s'accrocher à cette lueur d'espoir ne faisait que lui donner la nausée.

*Pourquoi…Pourquoi tout le monde est contre nous ? Qu'avons-nous fait de mal pour subir cela ?*

Vainement, Ella essayait d'arrêter de pleurer et lorsqu'Ayato osa lui demander d'arrêter de pleurer, elle le fusilla du regard. Mais elle se sentait tellement lasse qu'elle ne fit aucun mouvement.

"D'accord…"

Bien qu'elle trouvait cela complètement stupide, elle s'efforça de chercher quelque chose de joyeux dans sa mémoire. Elle n'eut pas à chercher bien loin. Il lui suffisait de penser au moment qu'Aiden et elle avait passé dans la salle de bain. Combien elle s'était sentie heureuse lorsqu'il l'avait prise dans ses bras. Plus que leur première rencontre. Cela dépassait tout ce qu'elle avait pu ressentir.

Alors qu'il captait la joie d'Ella, les larmes d'Ayato continuaient de couler. L'espace d'une minute, il resta immobile et silencieux. Les deux magiciens se regardaient mutuellement, attendant chacun la réaction de l'autre.

"Je pleure encore. Heureusement que je ne suis pas très sensible aux sentiments douloureux parce-que là, ce serait vraiment dur."

Ayato essuya ses larmes d'un revers de la main et s'éloigna d'Aiden autant que possible en récupérant sa veste au passage. A l'autre bout de la chambre, il commença alors à se chausser.

"Je ne peux pas clairement te le confirmer mais ce que tu lui as dis ou ce que tu lui as fait l'a apparemment atteint, c'est une bonne chose. Mais seul le temps nous dira si ça l'était assez, il peut se réveiller maintenant comme dans plusieurs jours. Le sort ne le tuera pas mais ce n'est pas franchement mieux que la mort. La dernière étape est la folie irréversible, il ne l'a pas encore atteint mais c'est la prochaine. S'il s'exprime dans un français correct à son réveil, cela voudra dire qu'il est guéri."

Ayato ne voulait pas donner de certitudes à Ella. Comme c'était la première fois qu'il allait à l'encontre de ce sort, il ne connaissait pas vraiment la suite des évènements, il ne faisait que la supposer bien qu'il se trompe rarement lorsqu'il s'agit de magie.

"Bon sang, je pleure encore. Ton frère a-t-il fait le plein de larmes pendant des années pour ouvrir toutes les vannes maintenant? J'ai l'air d'une vraie fontaine, ce n'est pas digne de moi."

Essuyant encore ses larmes, le magicien essayait de penser lui-même à quelque chose d'heureux afin de s'en débarrasser.

Tournant le dos à Ayato, Ella regardait son frère tristement. Il avait beau lui dire que cela l'avait atteint, rien ne confirmait qu'il était sauvé. C'était l'incertitude complète.
Devait-elle être heureuse d'avoir touché son cœur ou se sentir coupable ? Elle n'arrivait pas à déterminer si elle lui avait plus de bien que de mal.

*Aiden…Ouvre les yeux…*

Lorsque le jeune homme se mit à constater qu'il pleurait encore, la jeune fille haussa les épaules.

"... Ca prouve que vous êtes humain sous votre apparence complètement tordue."

La jeune fille se laissa tomber le long du lit et atterrit sur le sol. Son dos était contre le rebord. Elle pouvait quand elle le désirait, tourner la tête et apercevoir le visage de son frère.
Silencieusement, elle se mit à regarder la pluie tomber à nouveau. Ses genoux repliés sous elle, elle ne voulait pas le quitter pourtant elle se doutait bien qu'il faudrait retourner auprès de ses amis pour leur faire un compte rendu.

Ayato se mit à sourire. C'était justement parce-qu'il était humain qu'il avait une personnalité tordue. C'était du moins sa théorie. Lorsqu'Ella se laissa tomber au sol, il l'observa en haussant les sourcils. La pression redescendait et il était difficile de revenir à la réalité sans la moindre certitude.

"Rester ici ne servira pas à grand chose, tout ne dépend plus que de lui désormais."

Sur ces mots, il rapporta son attention vers Aiden. Il ne connaissait pas encore personnellement ce jeune homme mais il le respectait déjà. Tout ce qu'il avait pu ressentir de son entourage à son égard lui avait donné envie de le connaître et bien entendu, de faire affaire avec lui. Il était selon lui le candidat parfait. Il ne restait plus qu'à savoir si Aiden aurait le cran d'accepter sa proposition, mais avant cela s'il allait se réveiller en homme guéri.

"Mérion et Marina t'attendent probablement avec impatience et tu as encore du travail qui t'attends. Où es donc passé ta superbe de tout à l'heure?"

Ayato se souvenait clairement avec quelle détermination elle était entrée dans la Salle du Conseil moins d'une heure plus tôt. Maintenant, elle avait l'air d'être tout-à-fait différente.

Les yeux fermés, Ella avait comme l'air abattue et même si c'était le cas, elle essayait de se remettre de se qu'elle avait pu ressentir et voir. Comme son cœur se serrait pour cet être dont elle portait un amour si fort. Elle ne l'aimait que d'avantage d'avoir pu devenir ce qu'il était. Mais maintenant, elle prenait conscience ce qu'il avait voulu dire en disant qu'il avait changé.

"En effet, mais je ne vois pas ce qu'il y a de mal à rester là encore quelques minutes."

Une brise vint effleurer les joues de la jeune fille et cela lui fit du bien. Elle rêvait de sortir et de s'immerger dans le vent pour se sentir mieux. Mais Ayato restait là et quelque chose lui disait que ce qui allait suivre n'allait pas lui plaire. Que manigançait-il exactement ?

"Est-ce que je vous gêne tellement que vous désirez me voir partir ? Pourquoi êtes-vous toujours là, vous ? Oh mais bien sûr…vous vous reposez…à moins que vous attendiez quelque chose dont nous ne sommes pas au courant."

Toujours dans la même position, le visage tourné vers la fenêtre, personne ne pouvait voir son expression et pourtant…Sa détermination était toujours là et bien plus grande. Seulement, elle avait décidé de quitter la chambre qu'une fois Ayato parti. Elle avait une chose à faire avant de rejoindre les autres.

Ayato soupira devant l'obstination d'Ella et la grande méfiance qu'elle gardait à son égard. Fatigué, il n'insista pas longuement.

"Très bien, restez là si vous le souhaitez mais ça ne changera rien du tout."

Alors qu'il jetait un dernier regard à Aiden, Ayato sentit son téléphone vibrer dans sa poche, encore une fois. Prenant l'appareil, il constata que c'était encore Béatrice qui l'appelait. S'ils étaient un tant soit peu attirés l'un par l'autre, il aurait pensé qu'elle était folle de lui en riant intérieurement. Seulement, ils ne sortiraient jamais ensemble, même s'ils ne restait qu'eux deux sur la planète.

"QU'EST-CE QUE TU FICHES, CANASSON?!!"

L'intrusion dans le sort touchant Aiden l'ayant épuisé, si Béatrice se mettait à crier dans le téléphone il allait avoir droit à un mal de crâne à coup sûr.

"Que t'arrive-t-il encore? Si c'est pour que je revienne, il en est absolument hors de question.
-Je viens d'entendre dire un truc anormal au Ministère.
-Ah? Tu es là-bas?
-Oui mais peu importe. Il y a des gens de ton département qui disent que le Ministère va reprendre les rênes de Moondust! Est-ce que c'est vrai?!"

Ayato afficha une expression sinistre sur le visage, il l'avait encore mauvaise de s'être fait utiliser par son supérieur et cet idiot clamait déjà sa réussite. Un rictus forcé sur le visage, il se jura de le lui faire payer le double.

"Je ne les laisserai pas faire. Le Ministre n'est absolument pas d'accord avec ça, tu le sais bien. J'ai un plan qui...
-Oh, le problème est réglé alors. Bon, je ne me fais pas de souci alors. Salut!"

Cette fois, c'était elle qui avait raccroché. Ayato resta sceptique, Béatrice l'avait pris si vite et si bien qu'il en fut très surpris. Haussant les épaules en se disant qu'elle allait sûrement changer d'avis en cours de route, il rangea son téléphone.

"J'attends qu'il se réveille, tout comme toi. Puisque tu as l'air de ne pas désirer ma présence plus longtemps, je pars devant."

Puis le magicien quitta la pièce pour rejoindre Mérion et Marina qui les attendaient certainement dans la Salle du Conseil.

[~~> Salle du Conseil des Élèves]

Une fois Ayato parti, Ella put respirer plus librement. Elle savait qu'elle n'avait pas été très agréable depuis le début mais elle n'arrivait pas à lui faire confiance. Il y avait quelque chose dans son regard qui l'ennuyait et lui faisait s'hérisser.

Son intuition ne la trompait que très rarement, et elle avait appris la longue de ne pas trop y attaché d'importance, sans quoi, elle s'enfermerait à longueur de temps dans sa chambre pour peindre ce qu'elle ressentait.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus touché ses pinceaux et son violon. Dans un sens, ça lui manquait. Depuis qu'elle était entrée ici, elle avait délaissé son art pour d'autre chose…des choses comme l'amitié, les études, son frère. Etait-ce bien ? Sa vie d'artiste était-elle vraiment révolue ?

La jeune fille se leva alors et se mit à soupirer. Prenant conscience que la pluie mouillait un peu trop le parquet, elle alla chercher quelque chose pour protéger le sol avant de se souvenir que le sol était imperméabilisé et protégé par un sort.

Et elle se mit à rire. Rire de son oubli et de s'être comportée en véritable humain sans pouvoir. Elle n'arrivait pas à s'arrêter et en vint à avoir mal aux côtes. Elle ne savait plus pourquoi elle riait jusqu'à ce que les larmes recommencent à couler.

Etonnée, Ella s'essuya la joue et regarda sa main.

*Je craque…encore ?*

La jeune fille s'approcha alors de son frère et se mit à le regarder attentivement. Rien n'avait changé, si ce n'est que son visage avait un teint de cire. Dépitée, elle lui caressa la joue et s'apprêta à s'en aller.

"Je t'aime, ne l'oublie pas…"

Ses larmes se remirent à couler de plus belle et bouleversée, elle se rua hors de la chambre.

*Que se passe t'il ?*

Bien que sortie de la chambre et qu'elle s'en éloignait de plus en plus, cela ne voulait pas se tarir. Affolée, elle pressa le pas pour rejoindre ses amis.

[=> Conseil des Elèves]

III. Chambre d'Aiden Bromley - Page 2 Avaaid11

Aiden se tourna dans son lit une première fois, puis une deuxième fois. Lors de la troisième, il tomba au sol, emmêlé dans le drap qui le couvrait. Ouvrant doucement les yeux en gémissant, il réalisa qu'il faisait déjà jour et qu'il était alors en retard. Il se démêla maladroitement du drap et courut jusque dans la salle de bain pour un brin de toilette rapide. Courant ensuite dans la chambre, il enfila un caleçon avant de se mettre à la recherche de son uniforme qui n'était pas là où il l'avait mis la veille. Lorsqu'il l'eut trouvé, il enfila son pantalon noir, une paire de chaussette et ses chaussures noires. Encore torse nu, il retourna dans la salle de bain pour se brosser les dents en même temps qu'il se coiffait à l'aide d'un peigne.

*C'est étrange, j'ai une drôle d'impression...*

Retournant ensuite dans la chambre, il remarqua enfin le plateau posé sur son bureau. Il contenait un petit déjeuner complet. Aiden se demanda pourquoi on lui avait apporté un plateau au lieu de le réveiller tout simplement. Il prit donc une tranche de pain grillé entre les dents, enfila sa chemise sans la boutonner, mis la cravate dans sa poche et prit sa veste d'uniforme sous son bras avant de quitter la chambre en toute hâte. A mi-chemin, il s'arrêta soudainement, la tranche de pain toujours à la bouche. En courant, il avait à moitié boutonné la chemise rouge de son uniforme et avait simplement posé sa cravate verte sous le col de sa chemise.

*Plus de temps s'est écoulé, n'est-ce pas?*

Jetant un œil à sa montre, il haussa les sourcils en constatant que la date indiquée n'était pas celle à laquelle il s'attendait. Il avait un trou de mémoire de deux semaines. Puis il se souvint qu'il avait été touché par un sort qu'il avait commencé à analyser alors qu'à présent, il semblait être guéri. Les élèves du Conseil pourraient certainement le renseigner bien mieux que sa mémoire défaillante. Réalisant à nouveau son retard, il se remit à courir à travers les couloirs de l'école.

[~~> Salle du conseil des Élèves]